đŸšČ VĂ©los abandonnĂ©s : la face cachĂ©e d’une mobilitĂ© (trop) douce ?

Alors que le vĂ©lo est portĂ© aux nues pour ses vertus Ă©cologiques, une rĂ©alitĂ© plus ambivalente se dessine dans nos villes : celle des vĂ©los abandonnĂ©s. Un symptĂŽme prĂ©occupant d’un usage encore trop consumĂ©riste.
đŸšČ VĂ©los abandonnĂ©s : la face cachĂ©e d’une mobilitĂ© (trop) douce ?

đŸšŽâ€â™€ïž L’explosion du vĂ©lo : une victoire Ă  nuancer

Le vĂ©lo est partout. En 2019, plus de 16 millions de vĂ©los circulaient en France. Et en 2024, le prix moyen d’un vĂ©lo Ă©lectrique atteint dĂ©sormais 2 500 euros, en hausse de 20 % (source : INSEE). GrĂące aux aides publiques et Ă  un engouement pour des mobilitĂ©s plus douces, de nombreux foyers s’équipent. Aujourd’hui, un mĂ©nage sur trois possĂšde un deux-roues.

Mais cette dĂ©mocratisation s’accompagne d’un phĂ©nomĂšne inquiĂ©tant : les vĂ©los abandonnĂ©s pullulent dans l’espace public. À Strasbourg, un vĂ©lo sur dix serait laissĂ© Ă  l’abandon. À Paris, on en retire 3 000 par an. Bordeaux fait face Ă  trois Ă©paves de vĂ©los retirĂ©es chaque jour.

🚧 De l'objet de transition
 à l'objet jetable ?

Ces vĂ©los laissĂ©s Ă  l’abandon, vandalisĂ©s, privĂ©s de roues ou de selles, sont parfois surnommĂ©s « fantĂŽmes mĂ©talliques ». Et ils interrogent : comment un objet supposĂ©ment durable peut-il se transformer en dĂ©chet urbain si rapidement ?

Il ne s’agit pas ici de blĂąmer les cyclistes ou de remettre en cause les politiques cyclables. Bien au contraire. Le vĂ©lo reste une solution essentielle face aux enjeux de mobilitĂ©, de pollution et de santĂ© publique.

Mais il est temps de poser une question dérangeante : et si nous étions en train de reproduire, avec le vélo, les logiques de la fast fashion ?

💾 Un achat pas toujours raisonnĂ©

Dans une sociĂ©tĂ© de consommation rapide, le vĂ©lo devient parfois un achat d’impulsion, encouragĂ© par les aides publiques et les promotions. Un objet qu’on utilise une saison, puis qu’on oublie. Pire, qu’on laisse dans la rue, dĂšs qu’il est endommagĂ© ou que le plaisir de la nouveautĂ© s’estompe.

Plusieurs raisons expliquent ces abandons :

  • Vol de piĂšces (selles, roues, guidons) rendant le vĂ©lo inutilisable ;
  • CoĂ»t Ă©levĂ© des rĂ©parations, dĂ©courageant les propriĂ©taires ;
  • MĂ©connaissance des solutions de rĂ©emploi ou de rĂ©paration.

RĂ©sultat : des milliers de vĂ©los finissent sur les trottoirs, rouillent et bloquent l’espace public.

đŸ› ïž Un vrai dĂ©fi logistique pour les villes

Les collectivitĂ©s sont en premiĂšre ligne. Lorsqu’un vĂ©lo est signalĂ© comme Ă©pave, une procĂ©dure s’enclenche dans certaines collectivitĂ©s :

  1. Un bracelet est attaché au vélo pour avertir le propriétaire ;
  2. Un délai de 15 jours est laissé avant enlÚvement ;
  3. Le vélo est ensuite pris en charge par les services municipaux.

À Strasbourg, ce sont 900 vĂ©los retirĂ©s chaque annĂ©e ; Ă  Bordeaux, environ 1 000. Ces opĂ©rations sont longues, coĂ»teuses et mobilisent du personnel qui pourrait ĂȘtre affectĂ© Ă  d'autres missions.

♻ Heureusement, des solutions existent

Une fois retirĂ©s, ces vĂ©los ne sont pas systĂ©matiquement dĂ©truits. Des associations comme EmmaĂŒs, Bretz’Selle ou A’Cro du VĂ©lo, Paillettes et Cambouis les rĂ©cupĂšrent, les dĂ©montent, rĂ©parent, et leur donnent une seconde vie.

Ce circuit de réemploi est vertueux :

  • Il limite les dĂ©chets ;
  • Il rend le vĂ©lo accessible Ă  petit prix ;
  • Il crĂ©e de l’emploi local et solidaire.

À Strasbourg, 70 % des vĂ©los collectĂ©s par les associations sont remis en circulation. Ce modĂšle doit ĂȘtre renforcĂ©, soutenu et gĂ©nĂ©ralisĂ©.

🔁 Et si on arrĂȘtait de financer l’achat pour se concentrer sur l’usage ?

PlutĂŽt que de continuer Ă  subventionner massivement l’achat de vĂ©los neufs, ne serait-il pas plus pertinent d’investir dans ce qui garantit l’usage durable du vĂ©lo ?

  • Des stationnements sĂ©curisĂ©s ;
  • Des pistes cyclables continues et protĂ©gĂ©es ;
  • Des ateliers de rĂ©paration accessibles ;
  • Des campagnes de sensibilisation Ă  l’entretien.

👉 C’est exactement ce que propose cet article : Top 10 des raisons pour lesquelles les collectivitĂ©s devraient arrĂȘter de cofinancer des vĂ©los — Ă  lire absolument pour nourrir une rĂ©flexion plus systĂ©mique sur les investissements publics.

⚠ Non, le vĂ©lo n’est pas le problĂšme

Il est important ici de lever toute ambiguĂŻtĂ© : dĂ©noncer les dĂ©rives de l’usage du vĂ©lo ne revient pas Ă  critiquer le vĂ©lo en soi.

Certains discours anti-vĂ©lo pourraient s’emparer de ces faits pour rĂ©clamer un arrĂȘt des politiques cyclables. Ce serait une erreur fondamentale.

Le vĂ©lo reste l’un des modes de transport les plus vertueux Ă©cologiquement, avec un impact carbone quasi nul en phase d’usage. Ce n’est pas le vĂ©lo qui pollue, c’est la façon dont on le traite. Acheter sans rĂ©flĂ©chir, abandonner sans scrupule, c’est cela, le vrai problĂšme.

🧠 Vers une culture vĂ©lo plus consciente

Le vĂ©lo n’est pas un gadget. Il n’est pas non plus qu’un objet de loisir saisonnier. C’est un vĂ©ritable moyen de transport, qui nĂ©cessite :

  • des ressources naturelles pour sa fabrication,
  • des infrastructures adaptĂ©es pour ĂȘtre utilisĂ© sereinement,
  • et une culture d’usage responsable.

Il est temps d’adopter une approche plus mature du vĂ©lo : comme pour tout objet utile, il doit ĂȘtre choisi, entretenu, transmis. Et les politiques publiques doivent accompagner cette transition.

✅ En rĂ©sumĂ©

  • Le vĂ©lo est un outil indispensable pour des villes durables, mais il doit ĂȘtre utilisĂ© avec conscience ;
  • Les vĂ©los abandonnĂ©s illustrent une dĂ©rive consumĂ©riste Ă  corriger, pas une raison d’abandonner les politiques cyclables ;
  • Soutenir le rĂ©emploi, investir dans les infrastructures, responsabiliser les usagers : voilĂ  les vrais leviers d’une mobilitĂ© douce durable.

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