Le vĂ©lo est partout. En 2019, plus de 16 millions de vĂ©los circulaient en France. Et en 2024, le prix moyen dâun vĂ©lo Ă©lectrique atteint dĂ©sormais 2 500 euros, en hausse de 20 % (source : INSEE). GrĂące aux aides publiques et Ă un engouement pour des mobilitĂ©s plus douces, de nombreux foyers sâĂ©quipent. Aujourdâhui, un mĂ©nage sur trois possĂšde un deux-roues.
Mais cette dĂ©mocratisation sâaccompagne dâun phĂ©nomĂšne inquiĂ©tant : les vĂ©los abandonnĂ©s pullulent dans lâespace public. Ă Strasbourg, un vĂ©lo sur dix serait laissĂ© Ă lâabandon. Ă Paris, on en retire 3 000 par an. Bordeaux fait face Ă trois Ă©paves de vĂ©los retirĂ©es chaque jour.
Ces vĂ©los laissĂ©s Ă lâabandon, vandalisĂ©s, privĂ©s de roues ou de selles, sont parfois surnommĂ©s « fantĂŽmes mĂ©talliques ». Et ils interrogent : comment un objet supposĂ©ment durable peut-il se transformer en dĂ©chet urbain si rapidement ?
Il ne sâagit pas ici de blĂąmer les cyclistes ou de remettre en cause les politiques cyclables. Bien au contraire. Le vĂ©lo reste une solution essentielle face aux enjeux de mobilitĂ©, de pollution et de santĂ© publique.
Mais il est temps de poser une question dérangeante : et si nous étions en train de reproduire, avec le vélo, les logiques de la fast fashion ?
Dans une sociĂ©tĂ© de consommation rapide, le vĂ©lo devient parfois un achat dâimpulsion, encouragĂ© par les aides publiques et les promotions. Un objet quâon utilise une saison, puis quâon oublie. Pire, quâon laisse dans la rue, dĂšs quâil est endommagĂ© ou que le plaisir de la nouveautĂ© sâestompe.
Plusieurs raisons expliquent ces abandons :
RĂ©sultat : des milliers de vĂ©los finissent sur les trottoirs, rouillent et bloquent lâespace public.
Les collectivitĂ©s sont en premiĂšre ligne. Lorsquâun vĂ©lo est signalĂ© comme Ă©pave, une procĂ©dure sâenclenche dans certaines collectivitĂ©s :
Ă Strasbourg, ce sont 900 vĂ©los retirĂ©s chaque annĂ©e ; Ă Bordeaux, environ 1 000. Ces opĂ©rations sont longues, coĂ»teuses et mobilisent du personnel qui pourrait ĂȘtre affectĂ© Ă d'autres missions.
Une fois retirĂ©s, ces vĂ©los ne sont pas systĂ©matiquement dĂ©truits. Des associations comme EmmaĂŒs, BretzâSelle ou AâCro du VĂ©lo, Paillettes et Cambouis les rĂ©cupĂšrent, les dĂ©montent, rĂ©parent, et leur donnent une seconde vie.
Ce circuit de réemploi est vertueux :
Ă Strasbourg, 70 % des vĂ©los collectĂ©s par les associations sont remis en circulation. Ce modĂšle doit ĂȘtre renforcĂ©, soutenu et gĂ©nĂ©ralisĂ©.
PlutĂŽt que de continuer Ă subventionner massivement lâachat de vĂ©los neufs, ne serait-il pas plus pertinent dâinvestir dans ce qui garantit lâusage durable du vĂ©lo ?
đ Câest exactement ce que propose cet article : Top 10 des raisons pour lesquelles les collectivitĂ©s devraient arrĂȘter de cofinancer des vĂ©los â Ă lire absolument pour nourrir une rĂ©flexion plus systĂ©mique sur les investissements publics.
Il est important ici de lever toute ambiguĂŻtĂ© : dĂ©noncer les dĂ©rives de lâusage du vĂ©lo ne revient pas Ă critiquer le vĂ©lo en soi.
Certains discours anti-vĂ©lo pourraient sâemparer de ces faits pour rĂ©clamer un arrĂȘt des politiques cyclables. Ce serait une erreur fondamentale.
Le vĂ©lo reste lâun des modes de transport les plus vertueux Ă©cologiquement, avec un impact carbone quasi nul en phase dâusage. Ce nâest pas le vĂ©lo qui pollue, câest la façon dont on le traite. Acheter sans rĂ©flĂ©chir, abandonner sans scrupule, câest cela, le vrai problĂšme.
Le vĂ©lo nâest pas un gadget. Il nâest pas non plus quâun objet de loisir saisonnier. Câest un vĂ©ritable moyen de transport, qui nĂ©cessite :
Il est temps dâadopter une approche plus mature du vĂ©lo : comme pour tout objet utile, il doit ĂȘtre choisi, entretenu, transmis. Et les politiques publiques doivent accompagner cette transition.
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