🚲 Vélos abandonnés : la face cachée d’une mobilité (trop) douce ?

Alors que le vélo est régulièrement présenté comme une solution miracle face à la crise climatique, une réalité beaucoup moins reluisante se dessine dans nos villes : la prolifération des vélos abandonnés. Strasbourg, Paris, Bordeaux et bien d’autres collectivités signalent une explosion de ces « épaves urbaines » qui interrogent. Comment un objet censé être durable peut-il, en si peu de temps, se transformer en déchet métallique occupant nos trottoirs ?
🚲 Vélos abandonnés : la face cachée d’une mobilité (trop) douce ?

Une réussite du vélo… à nuancer

Le vélo connaît un essor sans précédent. D’après l’Union Sport & Cycle, plus de 2,6 millions de vélos ont été vendus en France en 2023 (dont 740 000 vélos à assistance électrique), confirmant une tendance en forte progression depuis la pandémie [Union Sport & Cycle, 2024].

Le prix moyen d’un vélo électrique atteint désormais 2 500 euros en 2024 (+20% en 5 ans, INSEE), un investissement conséquent pour les ménages. Résultat : un tiers des foyers français possède aujourd’hui au moins un deux-roues.

Mais derrière cette démocratisation, une face sombre apparaît : les vélos laissés à l’abandon sont de plus en plus visibles dans l’espace public.

  • Ă€ Paris, près de 3 000 vĂ©los sont retirĂ©s chaque annĂ©e par la mairie [Ville de Paris, 2024].
  • Ă€ Strasbourg, un vĂ©lo sur dix serait abandonnĂ© au bout de quelques annĂ©es d’usage [EuromĂ©tropole de Strasbourg, 2023].
  • Ă€ Bordeaux, trois vĂ©los Ă©paves sont retirĂ©s chaque jour par les services publics [Mairie de Bordeaux, 2024].

Ces chiffres témoignent d’un problème systémique qui dépasse le simple cas des cyclistes négligents.

Du vélo durable… au vélo jetable ?

Ces vélos, souvent surnommés fantômes métalliques, s’abîment rapidement : cadres rouillés, roues démontées, pièces volées… Ils questionnent la manière dont une partie des usagers considère le vélo.

Loin d’être seulement un outil de transition écologique, le vélo risque de devenir un objet à obsolescence rapide, à l’image de la fast fashion.

Les principales causes d’abandon sont :

  • Vol de pièces (selles, roues, guidons), rendant le vĂ©lo inutilisable ;
  • CoĂ»t Ă©levĂ© des rĂ©parations, qui dissuade les usagers de remettre leur bicyclette en Ă©tat ;
  • MĂ©connaissance des filières de rĂ©emploi ou de rĂ©paration, pourtant nombreuses et accessibles.

Résultat : des milliers de vélos finissent à l’état d’épaves, occupant l’espace public, gênant la circulation et véhiculant une image dégradée du vélo.

Un défi logistique et économique pour les collectivités

Les municipalités doivent gérer le retrait de ces vélos épaves, un processus coûteux :

  • Identification du vĂ©lo suspectĂ© d’abandon (souvent signalĂ© par un particulier ou repĂ©rĂ© par un agent).
  • Pose d’un bracelet sur le cadre ou la roue, avertissant le propriĂ©taire et indiquant un dĂ©lai de recours (15 jours en moyenne).
  • Retrait et stockage du vĂ©lo passĂ© ce dĂ©lai.

Quelques chiffres :

  • Strasbourg : 900 vĂ©los retirĂ©s chaque annĂ©e.
  • Bordeaux : 1 000 retraits environ par an.
  • Paris : 3 000 retraits par an, coĂ»tant plusieurs centaines de milliers d’euros en logistique et main d’œuvre.

Ces opérations mobilisent du personnel qui pourrait être affecté à d’autres missions, comme la sécurisation des pistes ou la création de nouvelles places de stationnement vélo.

Quand le réemploi redonne vie aux vélos

Heureusement, nombre de ces vélos connaissent une seconde vie grâce aux associations locales :

  • EmmaĂĽs, Bretz’Selle, A’Cro du VĂ©lo, Atelier Paillettes et Cambouis… toutes rĂ©cupèrent, dĂ©montent, reconditionnent, et revendent ces vĂ©los Ă  prix rĂ©duits.
  • Ă€ Strasbourg, près de 70% des vĂ©los collectĂ©s sont remis en circulation [EuromĂ©tropole de Strasbourg, 2023].

Ce modèle est gagnant sur tous les plans :

  • Limitation des dĂ©chets urbains ;
  • Accès au vĂ©lo pour des mĂ©nages modestes ;
  • CrĂ©ation d’emplois locaux via l’économie sociale et solidaire.

Mais ces acteurs manquent de moyens, alors que leur rôle est central pour une véritable économie circulaire du vélo.

Faut-il revoir les aides publiques au vélo ?

Ces dernières années, les collectivités et l’État ont massivement investi dans l’aide directe à l’achat de vélos neufs, électriques notamment. Résultat : une hausse des ventes, mais aussi une multiplication des vélos sous-utilisés puis abandonnés.

D’où une question dérangeante : et si les financements étaient mieux utilisés ailleurs ?

👉 Plutôt que d’encourager l’achat systématique, les pouvoirs publics pourraient concentrer leurs efforts sur :

  • Des stationnements vĂ©lo sĂ©curisĂ©s dans l’espace public et les copropriĂ©tĂ©s (lire : Les obligations des copropriĂ©tĂ©s en matière de construction de places de parking vĂ©lo) ;
  • Des ateliers de rĂ©paration, accessibles et subsidiĂ©s ;
  • Des campagnes de sensibilisation Ă  l’entretien et Ă  la transmission d’un vĂ©lo ;
  • Des pistes cyclables continues et bien protĂ©gĂ©es, incitant Ă  la pratique rĂ©elle et rĂ©gulière du vĂ©lo, plutĂ´t qu’à l’achat impulsif.

C’est la thèse que nous développons aussi ici : Top 10 des raisons pour lesquelles les collectivités devraient arrêter de cofinancer des vélos.

Le vélo n’est pas le problème

Il est crucial de lever une ambiguïté : dénoncer les abus liés aux vélos abandonnés ne revient pas à attaquer le vélo en tant que mode de transport. Bien au contraire.

Le vélo reste, chiffres à l’appui, le mode de déplacement le plus écologique :

  • Un trajet de 10 km Ă  vĂ©lo Ă©met environ 21 fois moins de COâ‚‚ qu’en voiture [ADEME, 2023].
  • En ville, il est souvent plus rapide que la voiture sur des trajets courts [CEREMA, 2023].

Le problème n’est pas le vélo, mais l’usage qui en est fait : achat compulsif, absence d’entretien, abandon.

Vers une culture vélo plus consciente

Le vélo n’est pas un gadget ni un loisir saisonnier. C’est une vraie alternative à la voiture, qui implique :

  • Des ressources naturelles pour sa fabrication (aluminium, acier, batteries pour les VAE) ;
  • Des infrastructures adaptĂ©es pour ĂŞtre utilisĂ© sereinement ;
  • Une culture d’usage responsable : entretenir, partager, transmettre son vĂ©lo plutĂ´t que l’abandonner.

Les collectivités ont un rôle clé pour accompagner ce changement : investir dans l’usage plutôt que dans le simple équipement.

En résumé

  • Le vĂ©lo est indispensable pour la transition Ă©cologique, mais doit ĂŞtre utilisĂ© avec conscience.
  • Les vĂ©los abandonnĂ©s illustrent une dĂ©rive consumĂ©riste et une rĂ©elle faille dans les politiques actuelles.
  • Les solutions passent par le rĂ©emploi, le renforcement des infrastructures et une responsabilisation des usagers.

👉 Vous êtes gestionnaire, syndic ou collectivité et souhaitez réfléchir à une politique vélo durable ? Contactez-moi via mon formulaire de contact pour échanger sur vos besoins concrets.

Pour aller plus loin

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