
La fenêtre d’Overton est un concept clé en science politique. Elle désigne la zone des idées jugées acceptables dans le débat public à un moment donné. Cette "fenêtre" peut se déplacer avec le temps, selon l'évolution des normes sociales, culturelles et politiques.
Ce qui paraît extrême aujourd’hui peut devenir acceptable demain, puis banal. Le rôle des militants, des experts, des créateurs de contenu et des décideurs est de faire bouger cette fenêtre. Pour cela, il faut oser dire l’impensable, le rendre visible, le partager, le liker, le commenter — pour qu’il entre dans la norme.
Appliquer ce concept au vélo permet de comprendre pourquoi il est urgent de continuer à bousculer les imaginaires : non pas en répétant qu’il faut plus de vélo — ce message est devenu trop tiède — mais en portant des propositions fortes, parfois perçues comme choquantes, qui créent le débat et performent dans les algorithmes.
Il y a 30 ans, personne n’aurait imaginé une France cyclable. Supprimer une voie voiture pour y créer une piste cyclable semblait hérétique. Aujourd’hui, les grandes métropoles françaises ont amorcé cette transformation. Des collectifs citoyens, des urbanistes engagés, des maires audacieux ont fait bouger la fenêtre d’Overton car ils ont eu le courage de positionner au sein du débat public des positions controversées.
Résultat : le stationnement vélo sécurisé, les véloroutes, les subventions pour vélos cargos font partie du paysage. Ce qui semblait radical est devenu banal. Mais le travail est inachevé.
Le monde actuel est anxiogène : guerre, climat, crises économiques. Certains pensent que parler vélo est déplacé. Pourtant, c’est l’inverse : un écocide est en cours. Et le vélo est une solution immédiate, locale et accessible.
Mais le message "développons le vélo" est devenu trop consensuel. Il faut à nouveau choquer, interpeller, polariser. Les contenus qui fonctionnent le mieux sur les réseaux ne sont pas ceux qui informent, mais ceux qui provoquent. C'est regrettable d'ailleurs mais c'est le monde dans lequel nous vivons. Alors utilisons cette règle pour replacer le vélo au cœur du débat public.
C’est ce que la fenêtre d’Overton autorise : énoncer des idées extrêmes pour faire progresser des propositions plus modérées. Et si nous en faisions aussi un levier algorithmique ?
Voici quelques idées fortes pour réouvrir la fenêtre, faire réagir, et relancer le débat :
Ces idées ne sont pas destinées à être appliquées demain. Mais elles servent à ouvrir l’imaginaire, à créer une tension fertile, à créer de l’engagement en ligne et à rendre visibles les enjeux du vélo dans un monde saturé de contenus. Elles servent aussi et c'est malheureux à rester visibles. Notre communication passant par les réseaux sociaux, il faut rester conscient qu'on est invisible si on ne suscite pas de réaction. Ce n'est pas noble et c'est même de mon point de vue problématique, mais c'est notre génération et les règles des jeux de notre société.
Trop souvent, on attend des politiques publiques qu’elles fassent tout. Pourtant, chaque copropriété est un laboratoire de transformation. Investir dans un parking vélo sécurisé dans son immeuble est un acte politique, visible, durable, partageable. Le problème est que parfois cela prend du temps (voir mon article "les projets de parking vélo durent 3 ans") En fixant à l'ordre du jour d'une AG le sujet du parking vélo, on lance un pavé dans la mare, parfois cela suffit à ouvrir la fenêtre d'Overton. L'étape suivante est de proposer un projet ambitieux, voir grotesque, afin de mieux faire passer un projet certes plus modeste, mais qui n'aurait jamais pu passer s'il avait été présenté seul.
Aujourd’hui, demander à convertir une place voiture en espace vélo suscite encore l’incompréhension. Pourtant, c’est le reflet d’une norme en évolution. La fenêtre d’Overton s’ouvre aussi dans les assemblées de copropriétaires — et sur les réseaux sociaux, où chaque photo d’un local vélo bien pensé peut inspirer des centaines d’autres.
L’argument du manque de fonds publics est un frein artificiel. Investir dans le vélo est rentable : santé, attractivité, climat, mobilité, économie locale. Tandis que continuer d'investir autant dans la voiture est une hérésie.
Les copropriétés, les entreprises, les collectivités peuvent agir immédiatement, sans attendre des aides. Il existe des solutions techniques, juridiques et fiscales accessibles. Et surtout, il existe une attente forte, que nous pouvons capter, amplifier, viraliser.
Le vélo n’est pas passé de mode. Il est simplement moins visible car moins clivant. Dans un monde où les idées les plus virales sont les plus choc, il est temps d’utiliser cette dynamique pour accélérer la transition.
Utilisons les algorithmes pour défendre le vélo. Choquons. Provoquons. Postons. Et réouvrons la fenêtre !